De Orna Donath. Editions Odile Jacob, novembre 2019. Pages : 238. Prix : 21,90 euros.

     Orna Donath aborde un sujet très sensible car tabou dans nos sociétés. Bien entendu il ne s'agit pas ici de militantisme étroit anti-maternité, mais d'une véritable étude de cas. Tout est exprimé clairement depuis le début : il n'y a que 23 femmes interrogées, toutes israéliennes, ce qui, scientifiquement parlant, n'est pas significatif, mais l'auteure écrit "(...) mon objectif n'était pas de présenter un échantillon représentatif permettant de faire des généralisations sur "les mères", mais bien d'esquisser une feuille de route complexe permettant à des mères de différents groupes sociaux d'exprimer leurs ressentis afin que toute la diversité des expériences subjectives de la maternité puisse être reconnue."
      Nos cultures assignent aux femmes un rôle particulier impliquant un déterminisme biologique entraînant comme parcours de vie "normal" et "naturel" la maternité. Toute dérogation est considérée comme égoïste, et même déviante, donc dangereuse pour la société... Et la pression est souvent très forte. L'auteure cite le cas de Peter Costellon, en Australie, qui, en 2004, demandait aux femmes de faire au moins trois enfants "un pour la mère, un pour le père et un pour le pays". Le cas d'Israël est lui même particulier en ce sens qu'il est un des pays au monde où le taux de fécondité est le plus élevé, et où les techniques de procréations artificielles sont très développées.
     Sont montrés ici les fantasmes de la "mère parfaite", les stéréotypes et le conformisme, les classiques "c'est dans notre ADN", "les enfants sont une bénédiction", la nécessité de "suivre le bon chemin de la nature", les chantages tels que, "tu peux et ne veux pas alors que d'autres veulent et ne peuvent pas", .... et si une femme choisi de s'éloigner de ses enfants (pour les laisser au père) alors la condamnation est immédiate. Orna Donath écrit "Cette condamnation se fonde sur une perception uniforme, mythique et a-historique selon laquelle les femmes ont une aptitude innée pour s'occuper des soins et de l'éducation des enfants que les hommes n'ont pas."
     Le désir d'être mère n'est donc pas universel, et son refus n'a pas à être considéré comme un choix négatif. Chacune doit pouvoir peser le pour et le contre, en fonction de ses objectifs personnels et de ses ressentis.
     Mais quel dommage que cet ouvrage soit clôturé par un "nous les femmes" (d'ailleurs répété), alors que je préfère, et de loin, le féminisme de Barbara Polla par exemple (extrêmement proche du mien...), qui abouti à un "nous les êtres humains" sans considération de sexe, de genre, d'origine, etc. Le communautarisme, le repli sur soi ou sur "son groupe" est très dangereux car il éloigne souvent d'un respect mutuel indispensable.

     Ouvrage très intéressant, car cette étude interroge de manière sérieuse un tabou très peu abordé jusqu'ici dans nos sociétés : peut-on regretter d'être mère ?