De Jean-Jacques Kupiec. Editions Les Liens qui Libèrent. Octobre 2019. Pages : 248. Prix : 20 euros.

La génétique a gardé ses grands principes de base depuis le 18ème siècle malgré des contradictions expérimentales, justifiant ses efforts pour sauver l'idéologie originelle grâce à des adaptations finalement assez légères au fil des découvertes, mais qui nous ont mené à avoir une "foi en l'ADN tout puissant". Heureusement ce début du 21ème siècle a vu se développer des thèses impliquant l'environnement (l'épigénétique) qui mènent à ce que les gènes puissent être influencés et ne soient donc pas totalement déterministes. Quand au rôle du hasard, il est habituellement considéré comme "du bruit" sans grande importance au final. Jean-Jacques Kupiec estime, au contraire, que le hasard joue un rôle central, pouvant mener à une révolution de nos conceptions de l'évolution du vivant. Il écrit : "Deux cellules n'expriment jamais les gènes de manière identique bien qu'elles puissent être du même type, posséder le même génome et vivre dans le même milieu, donc recevoir les mêmes signaux." Il en déduit que seuls des modèles probabilistes peuvent justifier des variations aléatoires. Il estime également que le vivant est composé comme une société communautaire mais sans une division du travail imposée (qui serait alors déterministe) : "Les cellules se comportent comme le feraient les membres d'une communauté anarchique autogérée : chaque individu est libre mais la liberté est limitée par la présence des autres individus de la communauté jouissant de la même liberté". Il n'y a donc pas besoin d'un "donneur d'ordre" (le génome par exemple). Les cellules ne sont pas là POUR l'organisme, mais "elles vivent pour elles-même, et sont en même temps amenées à coopérer du fait des contraintes imposées par le milieu extérieur". Les gènes ne sont qu'un élément du système dont toutes les parties connectées s'influencent. Ainsi l'ADN ne serait pas tout puissant ! D'ailleurs l'auteur reprend à son compte la "tendance inhérente à varier" des êtres vivants définie par Darwin. Il conclue "Le nouveau programme de recherche doit donc viser à élever la variabilité aléatoire du statut de simple fluctuation à celui de paramètre explicatif."

Un très bon livre pour comprendre la complexité du vivant et la nécessité de revoir sans tabou les théories en cours. Probablement qu'au final, ni les gènes ni l'environnement ne sont nos maîtres incontestés. Le monde quantique et ses "incertitudes" aurait-il rejoint le vivant en devenant même son pilier ?