De Georges Duby. Éditions Textuel, mai 2020 (1ère édition : Textuel, 1995). Pages : 93. Prix : 14,90 euros.

Cet ouvrage est constitué d'une série d’entretiens menés en mars 1994 par Michel Faure et François Clauss.

Peut-on comparer les peurs d'aujourd'hui avec celles du Moyen Âge ? C'est une bonne question, mais dans la préface, François Hartog précise avec justesse que « Pour l'historien, la première lucidité à faire partager à ses contemporains est celle de la différence des temps. Faute de quoi les nécessaires diagnostiques sur le présent manquant de profondeur, manqueront leur objet. »

Ceci étant précisé, de nombreuses similitudes, ainsi que des différences, sont survolées dans ce petit livre. S'y retrouvent la peur de la misère, la peur de l'autre, la peur des épidémies, la peur de la violence et la peur de l'au-delà.

Parmi les différences, l'on peut noter que le respect des anciens est moins présent aujourd'hui qu'au Moyen Âge, que le savoir est mieux réparti (il ne concernait qu'un tout petit nombre de personnes, essentiellement des gens d'église), que les êtres humains étaient plus solidaires car ils vivaient « en troupeau » (pour reprendre le terme employé par l'auteur), que les naissances étaient nombreuses (mais il précise : « Le quart des enfants mourraient avant cinq ans et un autre quart avant la puberté »), que l'Europe s'est nourrie des cultures extérieures (alors qu'aujourd'hui les autres cultures font peur) « L'Europe était alors assez vigoureuse pour créer sa propre culture avec ce qu'elle prenait ailleurs. ». Quand à la criminalité au Moyen Âge, contrairement à ce que beaucoup croient, « Elle semble relativement basse par rapport à celle qui sévit dans les grandes métropoles modernes. », mais les punitions, par contre, étaient autrement plus terribles ! Enfin Georges Duby note que « au Moyen Âge « On n'enfermait pas les fous (…) les vieillards n'étaient pas non plus comme aujourd'hui enfermés dans des mouroirs. »

Néanmins les ressemblances ne sont pas du tout anecdotiques.... La peur de l'autre, parce qu'il est différent, se retrouve de manière amusante (vu aujourd'hui) dans un message aux voyageurs d'un chroniqueur bourguignon de l'époque « (…) mais quand vous aurez dépassé Bordeaux, vous allez tomber dans un pays, le Pays Basque, où les gens ne parlent plus comme des humains, ils aboient comme des chiens. ». Quand à la « méfiance de son voisin de bourgade », elle se retrouve, même si l'auteur n'en parle pas, jusqu'au 20eme siècle (lire l'origine du livre « La guerre des boutons ») et aujourd'hui dans les batailles entre quartiers.

Au moment où ce livre a été écrit (la fin du 20eme siècle), la peur des épidémies pouvait nous sembler bien lointaine... ce qui n'est plus le cas en ce début de 21ème siècle avec l'arrivée du Covid 19 et ses dégâts dans le monde entier !

L'Histoire est, décidément, comme toujours, pleine de leçons pour aujourd'hui et pour anticiper demain.